Test – Resident Evil Village, un virage déroutant…
Il est enfin là le huitième épisode de ma licence préférée qui a vécu des hauts et des bas. Après une annonce qui a surpris son monde, Capcom a continué sa communication en axant sur le fait que la licence sortait des sentiers battus en s’attaquant à une mythologie et des ennemis de ce ce que l’on avait l’habitude de rencontrer. Si les annonces ont subjugué beaucoup de monde, je suis resté pour ma part un peu dubitatif car je fais partie des vieux cons qui ont du mal à voir évoluer une licence même si c’est pour son bien. J’étais quand même rassuré par la qualité graphique du jeu et de revoir des têtes connues, celle de Chris et le petit nouveau Ethan Winters. L’ambiance qui transpirait des vidéos n’était également pas pour déplaire rappelant celle du 7 et proposant des ennemis charismatiques. Je me suis donc lancé dans l’aventure en mode mi figue mi raisin. Bref j’arrête de tourner autour du pot, il est temps que je vous donne mon retour des enfers !
Resident Evil dans le titre…
Resident Evil Village est donc la suite stricto sensu du précédent opus. On retrouve donc Ethan Winters juste après les évènements en Louisiane qui l’ont opposé à la famille Baker. Le jeu propose d’ailleurs un petit résumé à l’instar des séries TV qui nous permet de nous remettre dans le bain. On est donc paisiblement installé avec notre chère et tendre Mia et la petite nouvelle Rosemary dans une charmante maison de banlieue américaine. Si tout est paisible en apparence, une fois la petite couchée, le couple ne tarde pas à s’écharper sur les précédents évènements, Chris Redfield ou l’évocation d’un entraînement militaire. Mais pas le temps de s’envoyer la vaisselle à la gueule puisqu’un commando mené par Chris Redfield débarque, butte votre donzelle (putain je me suis fadé une famille de cinglé pour la récupérer et en moins de 5 minutes hop on en parle plus !) et vous enlève avec Rose. Après une petite sieste dans un camion, petit accident et vous vous retrouvez au milieu d’une forêt enneigée quelque part sur le globe… On va donc se faire une courte expérience randonnée pour tomber sur un village (rappelez moi le titre du jeu ?) moyenâgeux entouré de montagnes escarpées. C’est le début de l’enfer pour notre cher Ethan : courses poursuites avec des êtres humanoïdes répondant au doux nom de lycan, empalements, amputations, une mère et ses filles barrées, une sorcière à l’ouest, un psychopathe fou de jeux d’arène dont vous êtes le héros. Ethan va en voir de toutes les couleurs !
Comme on a pu le voir dans les différentes vidéos qui ont été communiquées tout au long du développement du jeu, Resident Evil change de décor et d’ambiance en nous proposant un mythe reprenant en toile de fond les vampires, les Carpates, le surnaturel mais pas que. Ce changement n’est que temporaire et en progressant on va retrouver des décors propres à la licence. L’ambiance change également. Si dans Resident Evil 7, la peur était omniprésente en raison de l’impuissance du héros face aux évènements. Dans Village, la peur est remplacée par le stress. Oui vous n’aurez pas peur, vous serez juste stressé par toute sorte d’ennemis qui ne cessent de vous poursuivre entre deux lieux sécurisés. On est donc stressé dans notre exploration, dans nos actions mais on n’a pas peur et c’est là que le bât blesse. Resident Evil 7 avait réussi à instaurer une ambiance qui nous prenait aux tripes et nous immergeait dans le jeu, Resident Evil Village pose un tempo, un rythme soutenu ponctué de courses, de gunfights, de préparation d’équipement et de très rares moments d’infiltration. Si la première moitié se veut calme la suite est une succession de combats dans des arènes plus ou moins ouvertes… Et là je trouve que l’on s’éloigne beaucoup, pour moi, de l’esprit de la licence.
D’une manière générale, j’ai eu énormément de mal à accrocher à l’ambiance du jeu, à son scénario et sa narration. Je veux bien que l’on veuille donner une autre allure, une autre direction à la licence mais je me perds un peu. Pour moi Resident Evil c’est avant tout une histoire de virus ou d’armes biologiques mal utilisés et qui font dégénérer une situation, oui c’est basique mais Resident Evil, à la base, veut rendre hommage au film de série B du genre ! Je veux voir du zombie ou un être génétiquement modifié qui prend un design autre que celui d’un loup-garou, d’un vampire ou d’une gargouille. J’ai envie de personnages qui évoluent pas qui se transforment du tout au tout sans être raccord avec ce que l’on a vu d’eux auparavant. Je veux du nanard pas du fantastique. Le scénario et sa narration m’ont paru totalement artificiel tout au long du jeu, car fantastique ou pas on revient toujours aux bases (et heureusement) et si vous suivez un minimum les dialogues, vous comprenez le final du jeu et anticiper les réponses de la quête d’Ethan après seulement une heure de jeu…
Le coup du changement de lieux n’aide pas car fourni sans aucune explication, au moins dans Resident Evil 4, 5 et 6 on voyageait du pays mais d’emblée on savait pourquoi, et c’était raccord avec les personnages que l’on dirigeait : des membres de commandos envoyés pour résoudre une situation douteuse. Dans Resident Evil 7 déjà c’était difficile de raccrocher le jeu au monde de la série mais l’ambiance était tellement géniale que ça passait et puis on partait du principe qu’il s’agit d’un nouvel héros avec un nouvel élan. Là pour repartir de zéro avec une vie de famille bien rangée et se retrouver 30 secondes après au milieu de rien, c’est difficile à accepter. Certaines réponses ou explications arrivent bien trop tard dans le jeu et trop longtemps on a l’impression que le scénario est surfait pour justifier la DA du jeu qui n’en reste pas moins magnifique. Normalement la DA sert le scénario pas l’inverse !
Autre chose qui m’a dérangé, c’est que le jeu soit plus orienté gore que survival ou horreur. Comme les films et les séries, la licence de Capcom cède aux sirènes de la mode. Car oui de nos jours on n’a plus des films d’horreur mais des films gore avec un héros qui subit, qui souffre et qui est une proie pour ensuite comprendre une situation, se préparer et devenir le bourreau de ses poursuivants. Resident Evil Village, comme tous les films du genre, suit le même processus et se plait à offrir des scènes, des lieux, des images gores qui restent inutiles sauf tenter de nous évoquer du dégout… Le jeu fait dans la surenchère et dans l’exagération quitte à en devenir ridicule : non monsieur on ne recolle pas comme ça sa main à son bras ! Finalement au niveau de scénario et de l’ambiance, je me suis dit que Resident Evil Village n’avait de Resident Evil que le titre heureusement que ce sentiment s’est atténué dans le dernier tiers du jeu même si quand l’ambiance va mieux c’est le gameplay qui pêche…
Lycan tu veux ou pas !
Les développeurs ont annoncé, quelques jours avant la sortie, avoir entendu les joueurs qui avaient eu trop peur dans Resident Evil 7. A cette annonce on se dit merde ! Pourquoi ? Tu as trop peur, ne joue pas ! Bref ça sentait la « The Evil Within » : tu fais un numéro un avec une ambiance géniale et un aspect vraiment survival et fuite et tu retrouves avec un second façon commando de l’armée qui défouraille tout ce qui passe. Resident Evil Village fonctionne sur un entre deux même si l’action reste au premier plan. Le jeu repose sur un hub central qui est le village que vous « pacifiez » en arrivant même si certaines zones restent toujours occupées par des quelques monstres qui réapparaissent mais qui sont largement évitables. Ce village est la place centrale qui vous donne accès aux quatre zones que vous allez explorer et à la fin de chaque zone un boss. Rien de bien original et oubliez l’espoir d’un open world chaque zone doit se faire dans l’ordre. En fait les zones suivent le scénario du jeu, on a quatre lieutenants qu’il faut vaincre pour avoir accès au grand chef (qui a dit Resident Evil 4 ?). Chaque zone permet aux développeurs de donner des environnements différents ce qui nous fait donner l’impression de chnager de lieux. Pas d’inquiétude sur ce point, on retrouve les classiques de la série : un manoir, des grottes sombres, une usine. Le résultat est de qualité, les développeurs maitrisent parfaitement leur moteur graphique, que ce soit en intérieur ou en extérieur, les graphismes sont de qualité, les lumières bien gérées.
Chaque zone propose également un gameplay différent. A chaque fois le concept sera de progresser dans le lieu de manière un peu trop rectiligne à mon goût en trouvant les clés adéquates et en résolvant les quelques énigmes (qu’un singe savant pour réussir) avec au bout un boss et une pièce débloquant la suite de l’histoire. La première partie du jeu est un peu plus posée. On a droit à quelques gunfight mais rien de choquant pour un Resident Evil. Les deux premièrs niveaux (ou lieutenant) demandent un peu de réflexion et d’esquive. Le problème c’est que j’ai trouvé ces moments très brefs et très vite on passe à l’affrontement frontal. Le niveau deux est d’ailleurs une caricature de l’infiltration avec un niveau purement circulaire et pour lequel il suffit de courir pour semer son poursuivant, on est loin du Tyran de Resident Evil 2… Puis le jeu tombe dans l’action à outrance, le dernier tiers n’étant d’ailleurs que ça ! Le jeu ne nous prend pas en traitre avec la profusion d’armes et de munitions que l’on peut trouver en fouinant un peu. J’ai un peu eu du mal avec cet aspect surtout quand on sort de Resident Evil 7, Resident Evil 2 Remake et dans une moindre mesure Resident Evil 3. Je reste aussi dubitatif sur l’accueil fait au jeu sur cet aspect quand ce sont les mêmes qui chouinent sur Resident Evil 5. Pour moi, Resident Evil Village se rapproche plus du 5 que du 4 en raison de cette action omniprésente et de l’arsenal qui nous est offert.
Le jeu assume totalement son style action et le marchand et le village en sont les plus beaux exemples (excepté les deux derniers niveaux encore une fois qui relève quasiment du style FPS). Le marchand tout d’abord fait son grand retour. Oubliez le charismatique et mystérieux marchand de Resident Evil 4, ici on a le Duc tout droit sorti de l’imagination de Tim Burton (comme beaucoup d’éléments graphiques du jeu). Ce marchand vous vend contre des leis (la monnaie locale) des munitions, des soins, des pièces d’améliorations pour vos armes. Il peut aussi améliorer les stats de vos armes et vous concocter des recettes qui vous donnent un buff permanent (amélioration de la vie ou de la défense). A la lecture de cette liste j’ai plus l’impression d’être devant un PNJ dans un jeu d’action que dans un survival horror… Pour ce qui est du village, il propose pas mal de lieux secondaires à explorer pour dénicher des trésors à revendre au marchand, des améliorations d’arme ou tout simplement des munitions et collactibles. Mais là où le jeu part totalement dans l’action c’est qu’il propose des boss facultatifs qui vous donnent eux aussi des trésors ! On s’arrête un instant, des boss facultatifs ??? Boss qui, au passage, sont parfois plus forts que ceux que vous allez croiser sur la route principale (on en parle de la poupée ?). Assurément le jeu est plus orienté action que survival horror et la vue à la première personne contribue beaucoup à ce sentiment.
On ne change pas une recette qui marche
Je râle je râle mais le jeu reste très bon, c’est juste qu’il aurait pu s’appeler autrement que Resident Evil je sais pas mais « Les vacances à la neige d’Ethan Winters » sonnerait mieux. Passé ce détail, le jeu est vraiment plaisant à parcourir. Comme je le disais, graphiquement Village est très propre avec un moteur RE Engine au top de sa forme (quoique commençant à toussoter comme on l’a vu dans Resident Evil 3 Remake). Au niveau action ça fonctionne avec un bestiaire varié, les zombies ont laissé place aux lycans qui manient très bien les armes blanches mais également les arcs, les lickers sont remplacés par des loups garous avec des attaques similaires. On a des ennemis volants type gargouilles. Les boss sont toujours impressionnants par leur taille et les combats qu’ils proposent. Si les combats se déroulent toujours dans des arènes fermées, elles restent large et le level design est travaillé avec pas mal de chemins différents pour échapper aux coups. L’arsenal est varié et on a de quoi se défendre en utilisant également les éléments du décor permettant d’optimiser nos dégâts. Franchement, pour de l’action on en a pour notre argent !
En fait Resident Evil applique les recettes qui ont fait le succès de ses aînés bien que lorgnant beaucoup trop, à mon goût, d’un Resident Evil 5 pour le côté action. On revient à l’inventaire à la Resident Evil 4 et donc la disparition des coffres. L’inventaire est beaucoup plus grands et on peut toujours l’augmenter via le marchand. Les objets de quête et les trésors ne sont plus dans l’inventaire mais dans un menu séparé, l’inventaire ne sert donc qu’aux armes et aux soins. La présence d’un hub central renvoie également à Resident Evil 4 tout comme les lycans qui rappelent les villageois du 4 ou les soldats zombies du 5 et qui permettent d’ajouter de la variété au bestiaire. La présence du marchand et des trésors comme dans le 4 encore ! Les énigmes fonctionnent sur le système immuable de la série : collecter des objets, parfois les examiner et les utiliser trois salles plus loin. On retrouve la vue à la première personne initiée par Resident Evil 7 (ou plutôt Resident Evil Survivor sur PsOne mais le jeu est tellement mauvais que personne ne s’en souvient…). Il ne faut pas oublier le mode mercenaire qui apparaît une fois le jeu fini et qui est apparu la première fois sur Resident Evil 3.
Le problème c’est que Village se contente de reprendre les recettes et de les accumuler sans se soucier de la cohérence entre elles. On reprend les phases d’enlèvement d’Ethan comme dans le 7 sauf que l’on se retrouve entièrement attaché mais avec son inventaire car on n’a pas calculé comme le faire récupérer dans le scénario… Resident Evil Village n’apporte par ailleurs aucune inovation dans le gameplay si ce n’est la possibilité de cuisiner des plats en chassant les poissons et autres gibiers terrestres ou volants. C’est la seule mécanique et elle reste marginale : très peu de plats à faire et très peu de gibiers à chasser sachant qu’une fois le gibier pris, il ne réapparait pas. C’est maigre au niveau des nouveautés… Resident Evil Village reste plaisant à faire tout en proposant un bon contenu. L’aventure principale se fait en 8 heures pour une première fois en normal étant précisé que le jeu n’est pas difficile et que la mort n’est pas punitive avec le système de sauvegarde automatique. On a ensuite un mode new game plus qu’y est plus présent pour le fun avec des munitions illimitées déblocables via le mode Mercenaires qui propose d’accomplir des missions dans un temps limites pour gagner des points à utiliser chez le marchand.
Conclusion
Je n’étais pas aussi impatient pour Resident Evil Village que je ne l’ai été pour les remakes des 2 ou 3, j’avais comme un mauvais pressentiment sur le tournant opéré par la série au niveau de l’ambiance de la DA et du gameplay. Finalement mon intuition était bonne. Alors oui la réalisation et la DA sont vraiment exceptionnelles mais elle ne sont pas du tout raccord avec l’esprit Resident Evil. Le jeu est également un excellent jeu d’action prenant avec un rythme assez soutenu bien que répétitif mais une nouvelle fois on est très loin de ce que l’on attend d’un survival horror et encore plus d’un Resident Evil. Si Capcom a voulu joindre le gameplay du 4 avec celui du 7 au final on a un jeu hybride plus orienté vers l’action du 5 qui était lui aussi un bon jeu mais à qui on avait reproché son éloignement par rapport à la série. Pour moir Resident Evil Village prend exactement le même chemin.