[TEST] Eriksholm: The Stolen Dream, À la poursuite d’un frère et d’une vérité

Eriksholm: The Stolen Dream est un jeu d’infiltration narratif en vue isométrique développé par le jeune studio suédois River End Games dont c’est, soit dit en passant, le tout premier titre. Porté par une direction artistique soignée et un sens du rythme étonnamment mature, Eriksholm nous embarque dans une course contre l’injustice et l’oubli, à travers les yeux d’une héroïne en quête de vérité… et de famille. Une aventure intimiste, jamais bruyante, mais qui n’a pas peur de dire les choses. J’ai donc pris le temps de plonger dans cette ville hostile, de suivre Hanna dans sa recherche désespérée, et de me faufiler dans les ruelles avec ses deux acolytes.
Le rêve de deux enfants
Tout commence dans le flou. Hanna, la protagoniste, se réveille après un long moment de maladie. À peine le temps de renouer avec son frère Herman que la réalité la rattrape brutalement. La police débarque. Pas pour elle, pas pour une erreur… non. Ils cherchent son frère. Et sans trop comprendre pourquoi, sans vraiment savoir ce qui se joue, Hanna se retrouve précipitée dans une spirale d’événements qui vont bouleverser sa vie et celle d’une ville entière.

Ce qui frappe rapidement, c’est la manière dont Eriksholm installe son ambiance. On n’a pas besoin de longues expositions ou de cinématiques pompeuses. Tout est dans les regards, dans les silences, dans l’architecture même de la ville. Un murmure de révolte traverse les murs décrépis, les ruelles humides et les quartiers sous tension. Il y a une beauté brute dans ce monde, une élégance froide, inspirée de la Scandinavie du début du XXe siècle, à la fois familière et troublante.
L’histoire est prenante, mais pas toujours limpide. Par moments, on aurait aimé plus de clarté dans les motivations, dans les enchaînements. Le jeu fait le choix de l’implicite, de la suggestion, de l’ambiguïté. Parfois, ça fonctionne. D’autres fois, ça laisse un goût d’inachevé. Mais ce qui est certain, c’est que l’on s’attache à Hanna et à sa quête. On veut comprendre ce qui est arrivé à Herman, on veut savoir ce qui se cache derrière cette traque absurde. Et même si tout ne nous est pas servi sur un plateau, l’envie d’aller au bout ne faiblit jamais.
Au fil de l’aventure, deux alliés viennent prêter main forte : Alva et Sebastian. Pas des sidekicks décoratifs, non. De vrais compagnons d’errance, avec leurs talents, leur passé, leur regard sur le monde même si je trouves que le personnage de Sebastian manque de profondeur.



Le récit ne s’étire pas, une dizaine d’heures suffisent pour laisser une empreinte. On en ressort avec ce mélange de satisfaction et de frustration typique des bonnes histoires : content d’avoir vécu ça… mais avec l’impression qu’on aurait pu creuser plus. De plus, la rejouabilité reste limitée. Une fois l’histoire terminée, on n’y retournera pas sauf pour les collectibles pour les complétistes.
Trois cerveaux pour un rêve
Ce qui fait la force d’Eriksholm, c’est cette manière presque naturelle de faire travailler l’intelligence du joueur sans jamais le perdre. On alterne entre trois personnages, chacun doté de compétences propres, et on doit combiner leurs capacités pour progresser.
Hanna est équipée d’une sarbacane qui endort les ennemis à distance. Pratique, silencieux, sans violence. Alva, elle, utilise un lance-pierre pour distraire les gardes ou éteindre les lumières. Quant à Sebastian, il peut étouffer les adversaires de façon non-létal et surtout nager, un atout précieux pour débloquer des routes alternatives. Cette complémentarité transforme chaque niveau en un petit puzzle à ciel ouvert, où observation et coordination priment sur la précipitation.



Le jeu ne vous écrase pas sous des systèmes complexes. Pas de radar, pas de surcouches inutiles : on observe les routines des gardes, on utilise le décor, et on improvise. C’est lisible, logique, mais jamais ennuyeux. On comprend vite ce qu’on doit faire, mais on garde toujours une petite satisfaction à y parvenir. Le level design guide sans brider, et ça, mine de rien, c’est une vraie réussite.
Ici, pas de grosses difficultés à signaler. Les énigmes sont assez faciles, et les situations ne deviennent jamais frustrantes. Ce n’est pas un jeu qui cherche à vous tester à tout prix, mais plutôt à vous immerger, à vous faire réfléchir en douceur. Le rythme reste constant, même dans les phases un peu plus calmes.


Quelques bugs subsistent : un viseur qui reste affiché sans raison, des animations parfois un peu rigides, un ou deux accrochages avec la caméra ou encore une traduction « monter » alors qu’on souhaite descendre. Rien de grave, mais dans un jeu aussi posé, ça se remarque. On sent que le studio n’a pas des moyens infinis, mais l’intention, elle, est là. Et elle fait le boulot.
Enfin, côté trophées/succès, on est sur du velours : presque toute la liste se débloque en jouant normalement. Quatre seulement sont liés aux collectibles, ce qui rend le 100 % largement accessible. Mention spéciale pour ces petits succès qui s’amusent à ne pas être des chiffres ronds sur Xbox. Un détail inutile, mais je sais, peut faire grincer des dents les gens qui aiment les chiffres ronds ! (comme moi à la pompe à essence).
Audio & Graphisme
Visuellement, Eriksholm ne cherche pas la démonstration technique. Il mise tout sur l’ambiance, sur les textures du réel, sur l’émotion du détail. Et c’est là qu’il brille. La ville, dessinée en vue isométrique, est un personnage à part entière. Chaque quartier, chaque façade, chaque ruelle semble racontée par quelqu’un qui a vécu là. Il y a un vrai amour du décor, un soin porté aux intérieurs comme aux zones extérieures.


La direction artistique joue sur les contrastes. L’obscurité y est reine, mais jamais étouffante elle est même votre allié. L’éclairage est maîtrisé, les ombres travaillées, les ambiances lumineuses changent subtilement selon les quartiers. On reconnaît chaque lieu sans même avoir besoin de mini-carte.
Les animations sont simples, parfois un peu rigides, mais globalement efficaces. Les personnages s’expriment dans le non-dit, dans leurs gestes. Les cinématiques sont rares et sobres et laissent la place au ressenti plus qu’au spectaculaire.
Mais c’est dans le son que le jeu surprend. La bande-son est discrète, mais diablement bien intégrée. Quelques notes de piano, un violon qui traîne, des montées subtiles dans les moments de tension. La vraie star ici, c’est le silence. Un silence qui en dit long, qui donne du poids aux dialogues, qui rend chaque bruit de pas plus lourd que les mots.

Les bruitages sont impeccables. Entre la pluie qui s’écrase sur les toits, les cliquetis des serrures, les pas feutrés sur le parquet ou les échos lointains des voix dans les couloirs, tout sonne juste. On finit par reconnaître certains lieux rien qu’au son qu’ils produisent. Une performance rare.
Un premier pas, un vrai impact
Eriksholm: The Stolen Dream, c’est l’exemple parfait du jeu qui ne fait pas de bruit mais qui reste. Il ne cherche pas à tout révolutionner, il ne prétend pas changer le monde du jeu vidéo. Il raconte juste une histoire. Sobrement, avec honnêteté et surtout avec cœur. On pourrait pointer les failles : une narration parfois un peu confuse, un gameplay sans grand pic de difficulté, quelques bugs qui traînent. Mais on serait à côté de l’essentiel. Car ce que propose Eriksholm, c’est une expérience humaine. Une aventure qui prend son temps, qui respecte le joueur, qui ne le bombarde pas d’objectifs ou de statistiques. Juste un chemin à suivre. Un mystère à percer. Et des personnages auxquels on s’attache.
Pour un premier titre, c’est impressionnant. L’univers est cohérent, l’écriture sincère, et le ton maîtrisé du début à la fin. On sent que chaque scène a été pensée, que chaque dialogue a été pesé. Et quand on arrive au bout, on reste là, un peu sonné. Pas parce que c’était grandiose. Parce que c’était vrai. Un vrai coup de cœur !
Points positifs
- Une direction artistique cohérente et marquante
- Ambiance sonore soignée, immersive de bout en bout
- La synergie du trio de personnages
- Un récit sobre mais touchant
- Durée bien calibrée, sans remplissage
Points négatifs
- Rejouabilité quasi absente
- Quelques bugs techniques mineurs
- Manque de complexité pour les amateurs de challenge